Au sein du bureau de développement PSA à La Garenne Colombes, Christian Chapelle (directeur des chaînes de traction et châssis) évoque sans concessions l'alliance avec General Motors, les choix stratégiques de PSA et les projets actuellement dans les cartons.
L’argus. Quelle est la stratégie mécanique de PSA pour les années à venir ?
Christian Chapelle. Le groupe souhaite monter en gamme,

et pour cela, nous devons présenter des avantages technologiques dans tous les domaines mais qui doivent être supportables financièrement par le client. En mécanique, notre base restera, pour de nombreuses années, le moteur thermique. A l’horizon 2020, il représentera 95% des ventes dont 15% en hybride. S’ils doivent encore progresser, le travail sur les transmissions devient primordial afin de faire travailler le moteur dans ses meilleurs points de rendement.
Quel impact aura le développement d’une gamme simplifiée sur la technique ? Comment faire simple tout en atteignant les objectifs européens ?
Si vous faites allusion à la ligne C de Citroën, dont l’ADN est « Human, Simple et Smart », cela veut dire trouver des solutions intelligentes, pas forcément dénuées de technologie, mais des technos simples, faciles à décoder et accessibles en prix. C’est donc également un challenge technique très intéressant pour nos équipes. Dans l’idée d’optimiser nos coûts, notre politique modulaire est assez adaptée à ce genre d’exercice car elle nous permet également de décliner des offres technologiques.
L’arrêt, de tout ou partie, des collaborations (avec BMW et Ford) n’est-il pas un frein ?
Si PSA a opéré ces rapprochements, c’est qu’il y avait un intérêt. BMW a décidé de ne plus utiliser le moteur Prinz (1.4 et 1.6 à essence) au profit d’une nouvelle génération de moteurs à 3, 4 et 6 cylindres (ndlr : 1.5, 2.0 et 3.0) pour 2017/2018. Nous avons regardé avec eux les possibilités de synergies mais nos objectifs sont trop différents. Notre trois cylindres à essence cube de 1.0 à 1.2 alors que le 1.5 BMW est surdimensionné pour notre gamme de véhicules.

On risquait de leur poser des problèmes pour le développement des moutures les plus puissantes alors que, pour PSA, cela aurait été générateur de coûts. En raison de son fort potentiel, nous allons continuer de faire vivre le 1.6 THP. Les développements pour Euro VI (septembre 2014) sont terminés et une version de 270 ch sera bientôt proposée sur la Peugeot RCZ R, ce qui est un petit exploit au regard de la cylindrée. Mais ce moteur est surtout essentiel pour notre stratégie en Chine puisqu’une déclinaison 1.8 THP

est en cours d’industrialisation dans nos deux joint-ventures locales.
General Motors a annoncé un vaste renouvellement de ses motorisations d’ici 2016. Est-ce que cela compromet les synergies mécaniques avec PSA ?
Ce n’est pas un secret, GM a acquis la propriété industrielle des moteurs EB (trois-cylindres atmo et turbo) et les futures évolutions (ndlr : après 2017) seront réalisées en commun. C’est signé et l’avenir se construit ensemble.
L’alliance porte aujourd’hui sur les véhicules et le moteur EB mais on regarde si le futur au niveau mécanique peut s’écrire ensemble. La question du renouvellement des blocs à essence de 150 à 200 ch se posera au sein des deux groupes au moment d’Euro 7 (2020-2021). Nous allons essayer de renouveler nos moteurs conjointement.
Comment se matérialise les relations avec GM ?
Dans un premier temps, PSA fournit les plates-formes, les architectures électriques et les groupes motopropulseurs. Tout se passe bien, les trois projets* sont en route et depuis six mois, nous avons mis en place une équipe baptisée « Liaison Team » qui fait le lien entre GM et PSA. La moitié est basée à Rüsselsheim chez Opel et l’autre dans nos locaux. Pour l’heure, elle travaille sur la gamme de véhicules européens et dans une moindre mesure sur les moteurs. Elle pourrait évoluer lorsque l’on discutera des modèles sud-américains et mondiaux.
*NDLR. Projet 1 : Citroën C3 Picasso/Opel Meriva III. Projet 2 : Opel Zafira/Peugeot 3008 et 5008. Projet 3 : Citroën C5 III, Opel Insignia II et Peugeot 508 II. Les trois sont prévus pour 2016/2017
La boîte à double embrayage (DCT) fête ses 10 ans. Pourquoi PSA a arrêté le développement en interne ?
C’est effectivement une boîte automatique très intéressante en rendement donc en consommation mais également en agrément, mais ce n’est pas la seule technologie capable de ces prestations.

Le projet PSA a été suspendu il y a un an pour des raisons financières. Mais cela ne veut pas dire que demain PSA ne disposera pas d’automatismes modernes extrêmement compétitifs (ndlr : la BMP6 sera remplacée par une inédite boîte automatique à six rapports notamment sur le 1.6 HDi). Nous y travaillons !
Quid de la suspension hydraulique chez Citroën ?
Ce n’est pas un sujet à l’ordre du jour actuellement.
Toujours dans l’objectif de réduire les émissions, les moteurs thermiques ont-ils encore une grosse marge de progression ?
Des progrès, il y en aura encore et les générations Euro 6.2 vont faire un saut significatif en termes de consommation sans l’ajout de dispositifs très complexes. On continue à progresser sur la combustion, sur les frottements via une montée en température plus rapide, le thermo-management, la régulation des pompes à eau et à huile… Pour atteindre les 95g en 2020, il faudra aller au-delà et aider le moteur. Le 100% hybride reste cher. Par conséquent, il faut faire progresser le moteur thermique via les transmissions et d’autres dispositifs tels des Stop&Start plus ou moins élaborés. Les alterno-démarreurs permettent pas mal de choses, en offrant du boost et en suppléant le moteur dans les meilleurs points de rendement à l’image de notre système Hybrid Eco (ndlr prévu pour 2017). Les transmissions vont aussi jouer un rôle déterminant car avec une boîte automatisée, on pourra couper le moteur et faire de la roue libre. Il suffit d’avoir un embrayage piloté pour rouvrir la chaîne de traction. Tous ces dispositifs sont travaillés pour justement réduire la conso. On travaille aussi sur la gestion globale de la consommation d’énergie c’est à dire stocker à un certain moment de l’électricité pour ensuite la restituer pour d’autres applications sans obligatoirement solliciter le moteur.
En diesel, PSA est un leader mondial. Malgré la baisse du kilométrage moyen annuel, est-il toujours un choix pertinent ?
La proportion de diesel est peut-être un peu forte aujourd’hui, et un rééquilibrage va s’opérer. Mais le diesel a de gros avantages puisqu’il est 20% plus économe qu’un moteur à essence en conso, et 15% en CO2. Sur les petits modèles, il y a un rééquilibrage plus fort en faveur de l’essence. Sur les gammes moyennes, c’est 50/50, et sur les gros véhicules, le diesel est prépondérant.
Peut-on encore pousser le downsizing sur les diesels ? A la mode en essence, le trois-cylindres va-t-il se convertir au diesel ?
Je pense que le downsizing a été vertueux et le restera tant que les automobiles continuent à progresser en masse et en aérodynamisme. A ce jour, la bonne cylindrée en diesel pour des voitures de segment B et C est de l’ordre de 1,4 à 1,6L. Dans ce cadre, un moteur Diesel 3 cylindres n’a pas sa place car le peu d’avantages qu’il pourrait apporter en réduction de frottement voire de prix serait totalement annulé par les efforts à réaliser pour maitriser son comportement acoustique et vibratoire (arbre d’équilibrage, suspension moteur, renforts acoustiques, volant à forte inertie, etc.).
A l’avenir, les pressions d’injection vont-elles encore grimper ?
En diesel, nous avons commencé en 1998, au début du Common Rail, à 1350 bars. A ce jour, les pressions à 1800-2000 bars commencent à être courantes, on parle de développements chez nos fournisseurs largement au-delà de ces valeurs (2500 voire 3000 bars). Les pressions continueront encore à croitre. Il restera à définir, comme toujours d’ailleurs, le bénéfice que l’on pourra en attendre, par rapport au coût et donc pour quel type de motorisation. En Essence, les pressions montent régulièrement sur l’injection directe, de 120 bars en euro 4 et 5, nous passerons à 200 bars en euro 6 et on parle maintenant de 300 bars. La sévérisation des normes de particules en essence va pousser dans ce sens.
Quels avantages tirez-vous de la catalysation SCR en diesel ? Comment faire payer le coût de 1 000 € pour le client si ce n’est que PSA en supporte une partie ?
Grâce à notre technologie de FAP additivé qui permet des régénérations à relativement basse température (450 à 500 °C) par rapport aux systèmes catalysés utilisés par nos concurrents (600 à 650°C), nous avons installé, sur notre technologie Blue HDi, le catalyseur SCR en amont du FAP, ce qui est unique.
Cette technologie permet une efficacité de réduction des Nox pouvant aller jusqu’à 90% et nous donne la possibilité de répondre aux futures normes Euro 6 tout en gagnant de l’ordre de 2 à 4% de CO2 par rapport aux moteurs Euro 5.PSA a décidé de généraliser la technologie Blue HDi sur tous ses moteurs diesel et tous ses modèles dès la fin 2013 et, au fur et à mesure, de l’apparition des applications Euro6. Contrairement aux autres constructeurs, cela veut dire une seule technologie à développer et une massification des volumes d’achat de composants. Cela nous a permis de faire des économies sur nos coûts de R&D et sur le prix de cette technologie tout à fait significatives. Il ne faut d’ailleurs pas laisser à penser que les autres technologies (piège à Nox) permettant de répondre à Euro 6 sont gratuites. Au final, nous sommes certains d’avoir pris la bonne voie pour des moteurs toujours plus respectueux de l’environnement ! Nous savons bien que les clients ne sont pas prêts à supporter un surcoût lié à la dépollution d’un véhicule, nous ferons en sorte que le surcoût soit le plus faible possible.
Toujours dans l’objectif de réduire les émissions, les moteurs thermiques ont-ils encore une grosse marge de progression ?
Des progrès, il y en aura encore et les générations Euro 6.2 vont faire un saut significatif en termes de consommation sans l’ajout de dispositifs très complexes. On continue à progresser sur la combustion, sur les frottements via une montée en température plus rapide, le thermo-management, la régulation des pompes à eau et à huile…
Pour atteindre les 95g en 2020, il faudra aller au-delà et aider le moteur. Le 100% hybride reste cher. Par conséquent, il faut faire progresser le moteur thermique via les transmissions et d’autres dispositifs tels des Stop&Start plus ou moins élaborés. Les alterno-démarreurs permettent pas mal de choses, en offrant du boost et en suppléant le moteur dans les meilleurs points de rendement à l’image de notre système Hybrid Eco (ndlr prévu pour 2017). Les transmissions vont aussi jouer un rôle déterminant car avec une boîte automatisée, on pourra couper le moteur et faire de la roue libre. Il suffit d’avoir un embrayage piloté pour rouvrir la chaîne de traction. Tous ces dispositifs sont travaillés pour justement réduire la conso. On travaille aussi sur la gestion globale de la consommation d’énergie c’est à dire stocker à un certain moment de l’électricité pour ensuite la restituer pour d’autres applications sans obligatoirement solliciter le moteur.
PSA propose un système Stop&Start sur les diesels, et aucune solution sur les moteurs à essence. Pourtant vous aviez annoncé une généralisation rapide.
En lançant notre système alterno-démarreur sur les diesels (e-HDi), PSA imaginait une baisse des prix plus importante. De plus, lorsque la décision a été prise, les prestations du démarreur renforcé chez nos concurrents n’étaient pas terribles, obligeant à vite le déconnecter. Depuis, les équipementiers ont progressé et nous avons profité de notre expérience du e-HDi. Si en essence, le choix du démarreur s’est rapidement imposé pour des raisons de coûts, la question s’est posée pour les diesels. Or, en jouant sur les rapports de démultiplication et la puissance du démarreur ainsi qu’en fermant l’admission par un volet pour étouffer le moteur, nous avons minimisé l’ébranlement du bloc. Par conséquent, tous les moteurs à essence (e-VTi et e-THP) ainsi que les 1.6 HDi à boîte manuelle seront équipés d’un démarreur alors que les 1.6 HDi en BVA et le 2.0 HDi seront associés à l’actuel alterno-démarreur (sur les nouveaux véhicules développés sur la plate-forme EMP2).
Révolutionnaire, l’Hybrid Air n’est prévu qu’en 2016. Etes-vous à la recherche de partenaires pour l’industrialiser ?
L’Hybrid Air est une offre full hybrid compétitive adaptée à tous les usages, tous les marchés, tous les réseaux de maintenance. Ce n’est en aucun cas une alternative au Diesel car cette technologie a une vocation mondiale. La date de commercialisation dépendra de note capacité, ainsi que celle de notre partenaire Bosch, à industrialiser des composants hydrauliques à ce jour produit à des cadences non automobiles et aussi de notre stratégie de partenariats. Nous pensons que cela ne pourra pas se faire avant 2016. Le projet n’est pas à ce jour dans le périmètre de l’alliance avec GM. Pour ce qui concerne nos autres discussions, nous ne ferons aucun commentaire.
Où en êtes-vous de l’hybride essence et de l’hybride plug in ? L’engouement pour l’hybride est-il uniquement lié aux aides fiscales ? Le marché chinois ne va-t-il pas accélérer le développement ?
La réduction du CO2 est un enjeu mondial, l’ensemble des plaques géographiques sont concernées notamment l’Europe, l’Amérique du nord et la Chine. Dans ce cadre, il faut pouvoir disposer de technologies permettant de faire des gains importants en CO2, capables d’aller dans l’ensemble des régions de monde et donc à ce titre oui, l’hybride reste un élément important à prendre en compte y compris en version Plug in et bien entendu en essence!
http://www.largus.fr/actualite-automobi ... 78382.html