LE MOTEUR À PISTONS OVALES
Je suis obligé de vous parler moto pour aborder la bizarrerie mécanique de ce soir.
Nous sommes en 1979. Sur les circuits, les motos à moteur 2 temps règnent en maître sur la catégorie grand prix. Les ingénieurs Honda, fidèles aux moteurs 4 temps, souhaitent contrer l'ennemi en construisant un tout nouveau moteur qui, à cylindrée égale, pourrait rivaliser voire supplanter les moteurs 2 temps.
Seulement, pour compenser l'écart de rendement des moteurs 4 temps, il faut certes augmenter le régime moteur, mais pas seulement. Pour trouver puissance équivalente aux cylindres à trou, il faut également être capable de fournir de l'air et de l'essence en quantité suffisante. L'augmentation du nombre de soupapes devient donc incontournable.
Ajouter des soupapes, ça prends de la place. Les ingénieurs Honda ont donc l'idée, plutôt que de raccourcir la course d'un piston rond pour en augmenter la taille, de partir carrément sur un piston ovale.
La largeur de ces derniers étant largement majorée, il devient possible alors d'installer 8 soupapes par cylindre.
En raison de la largeur du piston l'allumage est réalisé par 2 bougies mais surtout, il est relié au vilebrequin par deux bielles. L'impératif de compacité achevant le tableau, l'architecture en V se présente d'elle même.
Le fait de guider chaque piston par deux bielles permet de réduire la jupe du piston. A tel point que les frottements sont quasi identiques à ceux d'un piston rond. Le rendement est donc très supérieur puisque les pertes sont censées être moindres que pour deux pistons de cylindrée équivalente et par conséquent, la puissance aussi.
Seulement qui dit piston ovale... dit cylindre ovale. Et c'est là que l'affaire se corse. A l'instar d'un moteur rotatif, des problèmes d'étanchéité inconnu sur des blocs standards font leur apparition. Imaginez la complexité d'un segment sur ce type de piston et le casse tête technique pour équilibrer ce dernier, poussé par deux bielles dans son cylindre.
Les coûts déployés pour mettre au point cette technologie n'ayant pas trouvé d'aboutissement en compétition, l'affaire fut abandonné pour rejoindre le club peu envié des impasses technologiques.
Il faut savoir que, malgré l'absence de palmarès en Grand Prix, Honda a continué à développer ce concept (en raison des coûts engagés), pour donner naissance à la très fameuse 750 NR, prétexte civil à cette technologie d'avant garde.
Cette moto, détentrice de plusieurs centaines de brevet à elle seule, fournissait la puissance très respectable de 130 chevaux (minimum) au régime hallucinant (et fiable) de 15.750 tr/mn. Son alimentation était confiée, déjà à l'époque, à une injection électronique. Par la suite, des puissances avoisinants 200 chevaux ont été le plus souvent recensées sur ce modèle. Son prix de vente, de 420.000 Francs, n'a jamais connu de baisse et la cote reste toujours orientée à la hausse.
Qui sait si, en pleine mode du down sizing, cette technologie ne pourrait pas refaire surface ? Un bicylindres ovale pourrait très bien trouver sa place dans une compact et résoudre ainsi les performances évaporées dans les cm3 en moins !
