Ce qui me gêne horriblement dans ton discours, qui est commun à notre époque, c'est ce sentiment assumé du faites ce que je dis, pas ce que je fais, et surtout c'est bien entendu la faute des autres, mais moi, hors de question que je touche à quoi que ce soit.
Car que je sache, en ayant contracté un crédit pour acquérir ton pavillon, tu as favorisé l'imperméabilisation des sols, mobilisé des ressources en matériaux, abondé à l'acidité des pluies, fait gratter des terres végétales, participé à la deforestation, massacré l'habitat naturel des petits lapins et j'en passe. Tu aurais du dans ce cas rester en ville, dans un immeuble, près du bus et des bien de nécessité à porté de patinette, et ton coin serait toujours la verdoyante exubérance que j'ai connu étant plus jeune à cet endroit !
Aussi lorsque le gros monsieur est venu avec son gros tractopelle à gasoil, tu ne t'es pas interposé à ce moment en lui hurlant de ne revenir que lorsque sa machine infernale serait électrique et ne prendrait à la planète que ce qu'elle peut restituer ! Lorsqu'ils sont venus poser tes parpaings, bétonner tes trottoir, tout enduire de bitume, tu n'as pas fait grève de la faim tout pendant que les murs ne seraient pas en inertie passive à base de bouse de vache, de terre cuites à l'ancienne avec des trottoir laissés en herbe folle pour que les ragondins puissent s'y épanouir en toute liberté !
Lorsqu'ils sont venu connecter tes chiottes au réseau usé, tu n'est pas revenu ivre de rage avec des sacs de sciures colmater tout ça afin de faire caca comme il se doit dans un bosquet pour la planète !
Tu n'as pas fait tout ça car tu aurais réinventé le gourbi et la condition de gueux que Grand-Pépé s'est donné tant de mal à quitter. Tu as oeuvré au confort légitime qu'il t'était donné d'accéder, pour toi et ta famille.
Et sur ce, tu as rangé 20 cylindres en ligne (que tu qualifies désormais de puant et nuisible) au calme, sans te demander si Jancovici serait d'accord avec cet étrange projet.
Donc à ce moment, la planète tu n'en avait rien à branler. Tu as jouis, et ensuite, une fois rassasié, tu t'es dis bon, c'est plus possible, ça peut pas durer comme ça. Maintenant que je suis bien, il va falloir que ça s'arrête pour les autres.
Mais les autres ils vont pas être d'accord !
Et du coup tu rejoins effectivement de ces discours arrogants à la Nicolas Hulot qui, une fois qu'il avait terminé de faire du dragster, une fois qu'il était lassé de faire des tours en MIG de guerre, une fois qu'il était rassasié d'avoir fait avec ses équipes 35 fois le tour du monde en avion, nous donnait des leçons de morale vengeresses sur le fait que nous étions de dangereux irrespoinsables lorsque nous partons en vacances avec Maman et les enfants à bord d'une formidable Audi V6.
Ah ben comme disait l'autre, elle est belle celle-là !
Nous ne tomberons donc pas d'accord à ces sujets. Ou plutôt, je pense que nous avons, pour la même inquiétude et le même objectif des approches différentes, toutes deux aussi vaines d'ailleurs.
Nous avons néanmoins un solide point commun. Toi comme moi serons de toutes façons les dindons de la farce. Là dessus pas d'inquiétude.
Corvéables à merci, ultra solvables, désespérément honnêtes et respectueux, fragiles comme une biche perdue au milieu de la clairière au jour de chasse, nous serons les premiers à tomber lorsqu'au château ils auront définitivement établi que ce n'est plus chez nous que ça doit se passer.
Lorsqu'ils auront terminé de nous essorer, bien sûr la planète n'ira pas mieux. Car la planète, tout le monde s'en fout. Il faut se remémorer la promotion sur le Nutella pour s'en convaincre.
Jancovici de son côté ne craint rien. N'est pas Julian Assange qui veut. Lorsque quelqu'un est - réellement - dangereux pour le système, ils savent s'en occuper. Ce dernier en est la preuve étourdissante. Janco est donc un copain de ces barons. Ce sujet ne prête même pas le flanc au débat, sinon il ne serait pas là.
Pendant ce temps, on nous amuse. On nous laisse nous engueuler autour du même nonos à ronger, mais ça fait pas pipi loin et pendant ce temps, ils avancent leurs pions.
Donc ma conclusion reste intacte.
- Jancovici est un escroc sous contrat subventionné. Bien joué, nous n'avons qu'à être moins con il aurait bien tort de se gêner. En attendant il a fait fortune sur des télécommunications qui actuellement rongent notre planète et nos sociétés, mais ça, ça n'a pas l'air de le déranger.
- Barrau est un utopiste aussi brillant que complètement perché. Ce poète esthète a raison dans tout ce qu'il dit, sauf qu'il est évident que rien ne se passera selon son idéal révolté, et c'est sans doute un peu tant mieux pour nous. En attendant le coeur de son activité n'en serait pas là sans les matériaux composites, les guerres armées et tout ce qui fait qu'on dégueulasse à peu près tout autour de nous effectivement. Curieux paradoxe.
Quant à moi, tout ce que je demande lorsque je démarre une partie de cartes, c'est que les règles ne changent pas à chaque pli qui est lâché sur la table en fonction des intérêt du joueur que j'ai en face.